Mobilisation au plus haut niveau
La direction de Covéa a trouvé un nouvel ennemi. La menace ne vient ni d’une législation défavorable, ni d’un concurrent.
A écouter la direction, le péril, principalement jeune, est interne et il a pour nom « absentéisme« .
Ces derniers temps, le mot revenait très (trop ?) régulièrement dans la bouche des représentants de la direction. Il était souvent accompagné du vocable « engagement ».
Simples représentant.e.s de salarié.es, nous avions du mal à faire le lien entre les deux notions, la réunion du 29 juin 2023 allait nous permettre de mieux comprendre.
Un indice du niveau de mobilisation était la présence comme invité exceptionnel du petit-neveu du Maréchal Leclerc, notre valeureux directeur général des coopérations humaines, Amaury de Hauteclocque. Pour aller au combat, c’est vraiment rassurant.
En recrutant l’ancien chef du RAID, Covéa compte dans ses rangs non seulement un « fin » négociateur, mais un « véritable leader » versé dans l’art de galvaniser les troupes.
Un discours radical
Il nous fallait un discours pour bien comprendre et nous n’avons pas été déçus par celui du petit neveu du Maréchal !
Le discours a été d’une telle violence qu’il aurait mérité à lui seul un tract de 8 pages… Nous invitons les plus courageux à lire le procès-verbal de l’instance (via workplace) disponible en fin d’année.
Nous vous partageons un petit condensé, ci-dessous en italique, des propos tenus :
« D’enfant-roi » nous passons au « salarié-roi » qui ne travaille que quand il veut.
Du phénomène du travail « si je veux » nous passerions peu à peu au phénomène du travail « quand je veux »
Les meilleurs d’entre nous, les plus engagés, doivent travailler deux fois plus tout au long de l’année.
Un sujet de frais généraux se pose car nous jetons par la fenêtre 50 millions d’euros chaque année.
Notre cible concerne plutôt les salariés de moins de 40 ans. Nous n’avons pas pu nous tromper lors des recrutements en embauchant une génération constamment arrêtée.
Se dépasser pour cette entreprise plaît moins et n’intéresse pas réellement.
Une fois chez nous, les jeunes recrutés comprennent rapidement notre univers empathique et nos avantages pour en bénéficier et vivre une vie plutôt tranquille. En quoi avons-nous besoin d’eux ?
La RH déploiera désormais tout son arsenal pour suivre au mieux possible, à la demande des managers, les arrêts dits de convenance.
Et d’en finir en appelant à la responsabilité des organisations syndicales pour se ranger derrière la direction dans son combat contre les fainéant.e.s/profiteurs.euses. Ces qualificatifs n’ont pas été prononcés mais largement sous-entendus.
Désormais, les représentant.e.s de salarié.e.s devraient choisir leur camp…
Notre analyse
Dans le monde simple de notre direction, il y aurait d’un côté les forces du bien, représentées par des « collaborateurs.trices » engagé.e.s, prêt.e.s à se sacrifier pour la formidable entreprise Covéa et de l’autre côté les forces du mal, des profiteurs.ses parasites, souvent jeunes, qu’il conviendrait de neutraliser voire d’éliminer.
Au passage, nous pouvons nous demander si la bataille qu’entend mener la direction vise l’absentéisme ou l’ensemble des salarié.e.s.
L’arrêt maladie, un symptôme ou un mal à abattre ?
Les propos tenus insinuent que les arrêts de travail seraient indus, que les médecins seraient complaisant.e.s à les signer. Au passage, cela fait étrangement écho à la politique gouvernementale qui consiste à exercer une pression sur les médecins généralistes qui seraient « trop » prescripteurs.trices d’arrêt de travail.
La direction fait porter le chapeau, non seulement aux victimes, mais à celles et ceux qui constatent les dégâts du travail et occulte ainsi tant les pathologies qu’une éventuelle responsabilité de sa part.
La maladie n’épargne malheureusement personne et nous nous réjouissons que, solidairement, la Sécurité Sociale pour laquelle nous nous sommes toujours battu.e.s et que nous continuerons à défendre, protège les salarié.e.s malades.
Une hausse des arrêts de travail devrait inciter une entreprise à se questionner. La direction Covéa se dédouane de sa responsabilité et blâme les victimes. Pourtant, le travail rend malade.
Quels sont les facteurs qui rendent les salarié.e.s plus fragiles ?
Permettons-nous quelques pistes de travail pour aider la direction Covéa dans sa réflexion :
- pression accrue sur les salarié.e.s,
- manque d’empathie,
- politique du chiffre
- perte de sens
La direction justifie sa chasse aux sorcièr.e.s sous couvert de verbatims du baromètre social. Des salarié.e.s ont (auraient ?), sous couvert d’anonymat, fait part du manque de reconnaissance et d’injustice qu’ils.elles subiraient du fait de l’absence de leurs collègues.
En aparte :
N’en déplaise à notre gouvernement et à notre direction, les malades ne sont pas des fainéant.e.s.
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Les bon.ne.s et les mauvais.es salarié.e.s
Nous savons que certain.e.s salarié.e.s se donnent à fond dans leur travail.
Individuellement, c’est leur droit mais ce n’est certainement pas un devoir pour toutes et tous.
Nous réfutons l’idée qu’un.e salarié.e en bonne santé serait meilleur.e qu’un.e salarié.e malade.
En revanche, nous partageons l’idée que l’absence de nos collègues ne doit pas peser sur les présent.e.s. Nous ne cessons d’ailleurs de le dénoncer mais considérons que la responsabilité découle de l’organisation du travail et pèse donc sur l’employeur.
L’absence de ces collègues n’est-elle d’ailleurs pas la conséquence de l’organisation du travail défaillante et les meilleur.e.s d’entre nous ne seront-ils pas les absent.e.s de demain à qui la direction fera la chasse… ?
Nous pensons que la force d’un collectif est sa capacité à rassembler toutes les qualités, tous les niveaux d’investissement.
La perte de culture d’entreprise que semble déplorer notre éminent dirigeant illustre l’échec de Covéa dans ce domaine.
Carotte ou bâton ?
La direction a commencé l’offensive par la P3CO. Il est question d’appliquer un abattement de la prime en fonction des absences sur l’année civile et pour les managers, 30 % de la prime pourront être conditionnés à un ou des objectifs visant à réduire ou maîtriser l’absentéisme de leur équipe. Comme s’ils en avaient le pouvoir…
La carotte va désormais servir de bâton et ce n’est qu’un début. Il est désormais prévu de négocier chaque accord sous l’angle de l’absentéisme, comme celui du télétravail ou de l’abondement par exemple !
Dans la vision de la direction, le télétravail est une faveur dont elle nous gratifie.
Dès lors, pourquoi ne pas punir les salarié.e.s absent.e.s pour maladie en leur ponctionnant quelques jours de télétravail « non mérités » ?
La CGT est clairement opposée à la pénalisation de la maladie et invite celles et ceux qui pourraient y voir une forme d’équité, de justice et de reconnaissance à s’interroger sur l’identité des réels bénéficiaires de ces économies.
Nous alertons même sur les conséquences de ces mesures qui ne feront qu’accentuer l’individualisme et casser les collectifs de travail.
Vous avez dit « engagement » ?
Debunking // Démystification
Adepte de la novlangue libérale, la direction abuse de mots simples en apparence, souvent détournés de leur sens initial, mais dont l’usage répété finit par transporter une pensée unique qu’il conviendrait de ne pas discuter. |
Dans le passé, on s’engageait dans l’armée.
En amour, on s’engageait pour toujours.
Politiquement, on s’engageait énergiquement.
Chez Covéa, il faudrait s’engager jusqu’au trépas !
Le marketing a gagné toutes les couches de la société. L’engagement est désormais devenu quantifiable et permet de mesurer la “fidélité” d’un client.
Le nombre de pouces levés, de cœurs permet de calculer un taux d’engagement.
Après avoir mesuré combien les client.e.s sont accros à un produit, la même notion sert à mesurer « l’attachement » d’un.e salarié.e à son entreprise.
Et tant qu’à faire n’importe quoi, pourquoi ne pas faire le lien avec le nombre d’arrêts de travail.
Voilà la grande idée marketing qu’a eue le petit cabinet de conseil Ayming.
Il se peut qu’en lançant l’idée, ses concepteurs ne crurent guère à son succès.
Mais, ainsi va le monde, les DRH ont adoré et notre direction particulièrement.
Dans ces milieux-là, on est assez moutonnier et on aime se comparer.
Et de répéter, ad nauseam, dans l’ordre que vous voulez, “Ayming”, “engagement”, « absentéisme » pour justifier une gestion réactionnaire des “ressources” humaines.
L’engagement tel que semble l’entendre la direction consisterait en l’adhésion aveugle aux « valeurs » de l’entreprise. Pourtant, l’engagement n’est ni un devoir ni une obligation légale au sens du code du travail. Notre seule obligation est d’accomplir notre travail et ce, sans y perdre notre âme ou notre santé.
Le tract a imprimer :